mardi 16 novembre 2010

Un roman français

"Tout le monde pense que j'ai raconté souvent ma vie alors que je viens juste de commencer. J'aimerais qu'on lise ce livre comme si c'était mon premier." 
Frédéric Beigbeder
Je n'ai pas eu besoin de faire comme si, puisque c'est mon premier !  heureusement peut-être ... Le personnage du livre me plait, je vais essayer de garder en mémoire mes impressions  ! Tans pis j'ai aimé son livre ... 

Un autre extrait  :

"Et si Freud s’était trompé ? Et si l’important n’était pas le père et la mère,
mais le frère ? Il me semble que tous mes actes, depuis toujours, sont dictés par mon aîné. Je n’ai fait que l’imiter, puis m’opposer à lui, me situer par rapport à mon grand frère, me construire en le regardant. Un an et demi d’écart, ce n’était pas assez : nous étions des faux jumeaux. Le problème, c’est que Charles est imbattable, il est l’homme parfait. Il ne m’a donc laissé qu’une option : être un homme imparfait.

Qu’est-ce que c’est un petit frère : un ami ? Un ennemi ? Un ersatz de fils ?
Un plagiaire ? Un esclave ? Un rival ? Un intrus ? Soi en plus jeune ? C’est ton propre sang qui t’énerve et toi que tu reconnais en un autre. Un nouveau Toi. Jean-Bertrand Pontalis a écrit un texte limpide sur la fratrie intitulé « Frère du précédent ». Telle est sans doute la meilleure définition de mon identité : j’étais le frère du précédent. Inconsciemment, il est probable que j’ai tout mis en œuvre pour que partout, désormais, quand mon aîné se présente à quelqu’un, on lui demande s’il est de ma famille. Au commencement, il y avait Charles aux yeux tellement plus bleus, Charles aux dents impeccablement blanches. J’étais le puîné leucémique, le gringalet chétif, le cadet famélique au profil de croissant de lune, au visage concave.

Il n’est pas plus facile d’être l’aîné, censé donner l’exemple. L’essuyeur de plâtres, le Roi déchu, le brouillon du deuxième, un père de substitution ? Comme Caïn avec Abel, mon frère aîné a passé son enfance à essayer de me tuer. Une fois il a bien failli réussir, lorsqu’il me poursuivait, armé d’un tournevis, à Pau, dans la salle de jeux au sous-sol de la Villa Navarre. C’est ma cousine Géraldine qui m’a sauvé la vie en s’interposant. Un autre jour, il me jeta des boules de pétanque à la figure. Je dansais pour esquiver les projectiles d’acier chromé. Mon cousin Edouard, plus jeune de quelques années, fut très impressionné par nos déchaînements de violence. Édouard Beigbeder travaille aujourd’hui dans l’action humanitaire pour l’UNICEF, il s’est rendu au Rwanda, en Bosnie, en Ossétie, au Sri-Lanka après le tsunami ; je pense qu’il a vu davantage d’horreurs que la plupart des gens que je connais. Pourtant il se souvient encore de mes cris de terreur quand Charles me poursuivait. Mon aîné a également tenté de me noyer en maintenant ma tête sous l’eau dans toutes les piscines et toutes les mers, c’est grâce à lui si je suis devenu un champion d’apnée – aujourd’hui encore je peux retenir ma respiration pendant deux minutes sous l’eau sans difficulté. Une autre méthode consistait à m’étouffer sous son oreiller, les épaules immobilisées par ses genoux. Je ne lui en ai jamais voulu puisque c’était toujours moi qui le provoquais en détruisant tout ce qu’il construisait, qu’il s’agisse d’une maison en Lego, d’un château de sable ou d’une maquette d’avion. Mon père avait aussi un frère aîné autoritaire,
cassant, humiliant (Gérald Beigbeder) ; il l’a cordialement détesté toute sa vie. La haine de l’aîné pour le suivant est naturelle (le nouveau lui vole sa part du gâteau), mais elle n’est pas obligatoirement réciproque. Très tôt j’ai adopté une posture narquoise à la Gandhi. À l’autorité du grand frère, j’opposais un pied-de-nez permanent. La seule différence avec le Mahatma était que j’attaquais souvent par surprise, notamment en frappant sur les cuisses de Charles avec mes genoux pointus, en criant « béquille », méthode peu pacifique qu’à ma connaissance le fondateur de l’Inde moderne n’a jamais utilisée. Les béquilles formaient ensuite des hématomes verts et jaunes sur les hanches de mon frère. Les tentatives de meurtre fraternelles peuvent donc être considérées comme de la légitime défense. Somme toute, nous étions deux frangins normaux, avec nos ecchymoses en guise de médailles.

Asticoter mon frère aîné fut ma manière de briser la fatalité familiale. Charles et moi ne voulions pas imiter la génération précédente : mon père était brouillé avec son frère, ils étaient même en procès à cause de la succession et en désaccord complet sur la gestion des Établissements de Cure du Béarn. Mes moqueries continues étaient ma façon tordue de dire « Charles, je t’aime », ça y est, c’est dit, je ne le répèterai jamais, une fois par vie suffit. Pontalis dit qu’entre deux frères peut exister de l’amour, de la haine ou de l’amitié, et parfois un mélange des trois : une passion destructrice. Sur une échelle du sentiment fraternel qui irait de l’inceste homosexuel au crime fratricide, je nous situerais au beau milieu, oscillant entre la fascination réciproque et l’indifférence feinte. J’ai très vite perdu la bagarre et compris que c’était plié : il aurait une vie structurée et moi chaotique. Mais nous étions unis dans l’adversité : dès qu’un intrus attaquait l’un des deux, l’autre était prêt à se faire tuer pour le défendre.
Charles était autoritaire mais protecteur. Et notre humour méchant, cruel, taquin, nous reliait, nos vannes incessantes, et je ne pouvais m’empêcher de rire quand il me traitait de « laquais » et m’ordonnait d’apporter « les mets » à table… Ou au restaurant, quand il interrogeait le maître d’hôtel : « votre camembert est-il bien fait ? », celui-ci répondant : « oui, je crois », Charles ordonnait : « Vous croyez ? Veuillez vérifier. » Ah, ce « veuillez » ! J’en rirai aux larmes jusqu’à ma mort.

J’ai grandi sous le joug de ce dictateur splendide, mais, Dieu merci, son totalitarisme était tempéré par l’autodérision. Il est né le même jour qu’Adolf Hitler, combien de fois le lui ai-je rappelé ! C’était, selon moi, la preuve que l’astrologie est une science exacte. Ma mère devait constamment s’interposer. Quand Chloë se plaint d’être fille unique, je lui dis : « Tu ne connais pas ta chance! » C’est ainsi dans toutes les familles, je n’en veux pas à mon frère. J’étais le suivant, il lui fallait me vaincre, écraser l’usurpateur, l’enfant surnuméraire, pour demeurer le grand Charles, et moi je devais lui résister pour faire accepter au monde ma singularité, mon indépendance, et devenir Frédéric. C’est ainsi que Charles a donné de la force à son petit frère.

Comment voulez-vous tuer le père quand il n’y en a pas à la maison ?
Restait le frère. Chacun s’y employa à sa façon."



jeudi 11 novembre 2010

Les 4 secrets de la Tarte Tatin ...

La première recette que j'ai copié dans mon cahier, je devais avoir 16 ans ... je l'ai volé suite à un odieux chantage :  je devais épouser le fils pour avoir la recette ...
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mercredi 10 novembre 2010

J'inaugure mon blog avec ce très beau livre de Goliarda SAPIENZA,  "l'Art de la Joie"... Je pense que c'est avec lui que j'ai passé un de mes derniers et grands moments de lecture ... Déjà, le titre en dit long ... Sensualité, Volupté, Liberté ...



Un météore éblouissant, le livre d’une vie qui commence ainsi :  "Et voyez, me voici à quatre, cinq ans traînant un bout de bois immense dans un terrain boueux. Il n’y a pas d’arbres ni de maisons autour, il n’y a que la sueur due à l’effort de traîner ce corps dur et la brûlure aiguë des paumes blessées par le bois. Je m’enfonce dans la boue jusqu’aux chevilles mais je dois tirer, je ne sais pas pourquoi, mais je dois le faire. Laissons ce premier souvenir tel qu’il est : ça ne me convient pas de faire des suppositions ou d’inventer. Je veux vous dire ce qui a été sans rien altérer.
Donc, je traînais ce bout de bois ; et après l’avoir caché ou abandonné, j’entrai dans le grand trou du mur, que ne fermait qu’un voile noir couvert de mouches. Je me trouve à présent dans l’obscurité de la chambre où l’on dormait, où l’on mangeait pain et olives, pain et oignon. On ne cuisinait que le dimanche. Ma mère, les yeux dilatés par le silence, coud dans un coin. Elle ne parle jamais, ma mère. Ou elle hurle, ou elle se tait. Ses cheveux de lourd voile noir sont couverts de mouches. Ma sœur assise par terre la fixe de deux fentes sombres ensevelies dans la graisse. Toute la vie, du moins ce que dura leur vie, elle la suivit toujours en la fixant de cette façon. Et si ma mère – chose rare – sortait, il fallait l’enfermer dans les cabinets, parce qu’elle refusait de se détacher d’elle. Et dans ces cabinets elle hurlait, elle s’arrachait les cheveux, elle se tapait la tête contre les murs jusqu’à ce qu’elle, ma mère, revienne, la prenne dans ses bras et la caresse sans rien dire.
  
Pendant des années je l’avais entendue hurler ainsi sans y faire attention, jusqu’au jour où, fatiguée de traîner ce bois, m’étant jetée par terre, je ressentis à l’entendre crier comme une douceur dans tout le corps. Douceur qui bientôt se transforma en frissons de plaisir, si bien que peu à peu, tous les jours je commençai à espérer que ma mère sorte pour pouvoir écouter, l’oreille à la porte des cabinets, et jouir de ces hurlements. Quand ça arrivait, je fermais les yeux et j’imaginais qu’elle se déchirait la chair, qu’elle se blessait. Et ce fut ainsi qu’en suivant mes mains poussées par les hurlements je découvris, en me touchant là d’où sort le pipi, que l’on éprouvait ainsi une jouissance plus grande qu’en mangeant le pain frais, les fruits. Ma mère disait que ma sœur Tina, “la croix que Dieu nous a justement envoyée à cause de la méchanceté de ton père”, avait vingt ans ; mais elle était grande comme moi, et si grosse qu’on aurait dit, si on avait pu lui enlever la tête, la malle toujours fermée de mon grand-père : “Un damné, plus encore que son fils…”, qui avait été marin. Quel métier c’était que celui de marin, je n’arrivais pas à le comprendre. Tuzzu disait que c’étaient des gens qui vivaient sur les bateaux et allaient sur la mer … mais qu’est-ce que c’était que la mer ? »
L'Art de la joie résiste à toute présentation. Roman d'apprentissage, il foisonne d'une multitude de vies. Roman des sens et de la sensualité, il ressuscite les élans politiques qui ont crevé le XXe siècle. Ancré dans une Sicile à la fois sombre et solaire, il se tend vers l'horizon des mers et des grandes villes européennes...



Il y a quelques mois j'ai pensé ouvrir un blog en mélangeant deux idées qui se sont télescopées dans ma tête et qui vont se télescoper sur le blog ...

La premier idée est de mettre des lectures que j'ai aimé un peu, beaucoup, passionnellement avec ou non un début d'histoire en espérant que cela vous donne le goût de les lire si ce n'est déjà fait ... puis de votre côté j'attends la réciprocité .... Des commentaires et des échanges de livre ...

L'autre facette de ce blog, un choix de recettes de cuisine que j'ai recueilli dans un cahier dont la 1ère page de couverture s'appelle "Revisions 1974"... 





Toutes ces recettes m'ont été offerte un jour ... Enfin presque !